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Ponine écrit aussi!

14 mai 2007

Gisèle

Si je commence par vous parler d'elle c'est parce qu'elle ne quitte plus ma tête depuis que j'ai saisi le personnage. Pour elle je me suis inspirée du personnage de Madeleine dans Les Dames de Brières, de Catherine Hermary-Vieille.

Avant tout voici comment je l'imagine:

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Gisèle naît en 1879. Elle grandit sans affection et, probablement pour compenser, elle développe un profond amour des jolies choses qu'elle conservera toute sa vie. Plus tard elle devient une jeune fille belle et extrêment brillante, mais elle n'est pas heureuse pour autant. Elle se marie trop tôt et par défi à un fils de la haute bourgeoisie parisienne, un parfait fin de race qui ne la satisfait pas. Leur fille Adeline, le grand amour de sa vie, voit cependant le jour en 1901, sans parvenir à combler sa mère.
Gisèle collectionne les amants mais a encore la faiblesse de tomber amoureuse. Elle rêve de divorcer pour l'épouser, d'un autre enfant, un garçon, Adeline vivra avec eux... Après cette nouvelle déception, Gisèle accable l'ensemble de la gent masculine d'un mépris universel et sombre dans l'alcoolisme. Une nuit, Adeline, âgée de seulement six ans, surprend une dispute entre ses parents, plus violente qu'à l'ordinaire mais à peine. Gisèle, très choquée, décide de quitter mari et enfant.

A partir de cet instant celle que l'on avait jusqu'alors considérée avec une sympathie teintée d'ironie et à laquelle on était enclin à beaucoup pardonner se radicalise. Elle qui a toujours aimé cultiver la provocation décide de ridiculiser systématiquement tous les codes de la société bourgeoise de son temps, et affiche désormais son homosexualité. Récupérer Adeline... bien sûr elle y pense, mais sans jamais rien entreprendre pour y parvenir. Elle projette vaguement d'entamer une cure de désintoxication et de remettre un peu d'ordre dans sa vie, mais c'est moins un projet qu'une douce rêverie.
Gisèle, en plus de sa fille, a une autre passion dans la vie: le socialisme. Depuis toujours les injustices lui sont physiquement insupportables et elle se découvre sur le tard une âme de militante, qu'elle met au service des droits des femmes, notamment le droit de vote, ou encore de l'anticolonialisme. La dimension collective de ses luttes lui donne le sentiment d'être utile. Sa vie devient un perpétuel voyage entre Paris, Londres, Berlin, Moscou, Genêve...

En 1914, quelques semaines seulement après la déclaration de guerre, Gisèle, de passage à Paris, revoit Adeline, treize ans, qui depuis la mort de son père habite avec sa grand-mère paternelle dans le grand hôtel particulier de la famille. Les retrouvailles ne se passent pas bien. Adeline a appris a appris à grandir sans sa mère qui est devenue une étrangère pour elle. Elle ne la reconnaît même pas immédiatement quand elle se trouve en face d'elle. Gisèle, qui était prête à rester si sa fille le lui avait demandé, décide face à un accueil aussi glacial de repartir le lendemain et de reprendre son existence nomade. Elles ne se reverront pas.
Gisèle accueille dans un premier temps la révolution russe de 1917 avec enthousiasme et espoir et y prend part, mais elle est très affectée de voir des révolutionnaires qu'elle connaît personnellement abandonner leurs idéaux aussitôt au pouvoir. Elle a toujours souffert de la contradiction entre sa volonté d'agir et son refus de la violence, mais encore jamais de façon aussi aiguë qu'à cette occasion. Elle risque à plusieurs reprises d'être assassinée mais refuse de quitter l'URSS.

Gisèle, que son alcoolisme n'a jamais quittée se découvre atteinte d'une cirrhose du foie. Se sachant condamnée, elle décide de rentrer à Paris, la ville d'Adeline, et échoue dans un hospice situé à deux pas de chez sa fille. Elle passe les derniers instants de sa vie à lui écrire une longue lettre et s'éteint en août 1922, à 43 ans, sans avoir revu celle qu'elle avait tellement envie de serrer dans ses bras.

J'aime Gisèle parce qu'elle exprime pour moi cette vérité première selon laquelle la liberté est aussi la liberté de se détruire. Je le crois profondément et je refuse qu'on la juge. Gisèle a fait de sa vie un gâchis méthodique: elle a toujours eu le goût du malheur. Elle était bien partie dans la vie et, selon l'expresson consacrée, que j'abhorre, elle avait "tout pour être heureuse", mais elle a fait un autre choix. C'était son droit le plus strict et elle mérite tout notre respect. Peur du bonheur? Je veux bien, mais quand bien même, là encore, est-on autorisé à porter un jugement moral? Le courage lui a manqué pour construire son bonheur ou au moins se débarraser de son alcoolisme, certes, mais ne faut-il pas non plus une bonne dose de courage pour choisir de passer sa vie à la marge de la société et l'assumer?
Imaginez-la, trentenaire alcoolique prématurément vieillie avec sa laideur pathétique mais pas repoussante, représentez-vous son visage sur lequel on peut encore déceler des traces de son ancienne beauté... n'a-t-elle pas au moins droit à notre compassion?
Oui elle a abandonné Adeline, sa fille tant et si mal aimée, et elle avait des devoirs envers elle. Je veux bien qu'on le lui reproche, mais à condition d'admettre qu'elle l'a aimée. A chaque fois qu'elle se trouvait à Paris, ne se cachait-elle pas près de l'école de sa fille à l'heure de la sortie dans l'espoir le plus souvent déçu de l'apercevoir?
J'ajoute aussi, et même si cela ne constitue pas une excuse, qu'à tous les moments de sa vie elle a été d'une sincérité absolue.
Gisèle, c'est enfin l'engagement, cet oubli de soi dans une cause plus grande qu'elle avec toute l'abnégation et la générosité que cela suppose. J'ai le plus profond respect pour le militantisme, parce que je sais que je serais moi-même incapable d'être une militante. C'est si rare de nos jours des gens qui consacrent leur vie à un objectif, je trouve que c'est très beau.

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14 mai 2007

Présentations

Voilà, j'ouvre un nouveau blog, exclusivement dédié à ma passion pour la littérature.
J'écris depuis toujours, bien que je n'aie jamais rien fini, et devenir écrivain est mon ambition la plus profonde même si elle reste ignorée par la plupart de mes proches. Alors trêve de blablas, je me lance...

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  • Mes créations littéraires (hmmm un bien grand mot) en tous genres, ma prose, mes chantiers, peut-être même un jour ma poésie... Faites-vous plaisir et n'hésitez surtout pas à poster vos critiques si elles sont constructives.
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